Après moult rebondissements...

Après moult rebondissements*, nos héros réussisent à décoller de l'asphalte pour longer le fleuve, à l'affût de l'île mystérieuse, à quelques encablures de là.

Julie (la millionnaire), Maryse (Marianne) et Nicolas (Gilligan), prennent la mer avec Marc (le professeur) et Chantal (Ginger), sur le bateau de Jean-Pierre (le Capitaine). La bourrasque se lève. Le froid vient transir leurs membres engourdis par une semaine de canicule. Puis, à travers le brouillard, tels les premiers basques cinq siècles plus tôt, nous apercevons l'île. Nous accostons sur la plage au creux d'une anse, et le capitaine, bérêt au vent, nous présente notre demeure des cinq prochains jours...

Mais le crépuscule tombe déjà comme une enclume sur notre île mystérieuse. Nous quittons l'obscurité pour nous engouffrer dans la chaleur apaisante du chalet. Merci Capitaine pour ces trois bûches qui réchauffent notre niche!

Les moules du professeur sont un délice, et ce premier soir, nous nous couchons repus et épuisés, exténués par ce passage dans l'autre monde. Dehors, l'orage fait rage, le tonnerre tonitrue, les éclairs éclairent... C'est du moins ce que le capitaine nous raconte le lendemain, à notre étonnement. Le sommeil est lourd sur l'île aux Basques...

*Par rebondissements, on entend un processus narratif ingénieux faisant appel à des circonstances rocambolesques pour mettre à l'épreuve nos héros : bris mécanique de voiture le matin même du départ, chute vertigineuse de près 20 degrés celsius entre Montréal et Rivière du Loup, apparition de forces occultes constabulaires au dernier détour de la 20... Nos héros "rebondissent" alors, faisant fi de vents et marées pour atteindre leur destination vaille que vaille.

Les jours suivants...

Le lendemain matin, nous nous extirpons péniblement des brumes du rêve. "Sommes-nous seulement réveillés?", nous demandons-nous, en prenant le petit déj sur la terrasse, les yeux rivés sur le fleuve vaporeux. Raoûl le lièvre fait sa première apparition, comme Alice au pays des merveilles. On pense à se pincer mais on n'ose pas trop, de peur de passer de la brume onirique au smog urbain.

Si c'est un rêve, autant en faire le tour. Nous entreprenons donc d'explorer le premier sentier, couvert de mousse, bordé d'arbres enguirlandés de lichen. On s'attend à voir surgir un lutin à chaque détour. Pas de farfadet, mais quelques belles amanites qui ne dépareraient pas le village des Schtroumpfs.

On continue pour découvrir l'étang, trop paisible pour accueillir une créature des marais. Le sentier s'élargit, fait place aux sapins baumiers majesteux. Une odeur poisseuse nous indique que nous passons près de "l'Anse qui pue". Puis, la végétation se fait plus discrète et on aboutit dans la prairie. Nos narines s'emplissent des effluves marines. On entend le cri des mouettes. De nouveau, le littoral à marée haute.

Nous y retournerons souvent à ce bout de l'île, pour voir le coucher du soleil ou observer la langue de sable, cet estan qui s'étend sur le fleuve à marée basse. Le professeur viendra y cueillir des palourdes, Ginger y fera ses photos et perdra son regard dans la mer (elle le retrouvera pour s'extasier sur la faune de l'île, en particulier le "plumier" kildir!). Marianne y fera sa méditation et ses lectures, laissant son esprit vagabonder au fil des réminiscences (de retour sur l'île après douze ans d'exil). Gilligan y fera son jogging, en s'enfargeant de temps en temps à la vue d'un lièvre, d'un beau bolet ou d'une tête de phoque inquisitrice. Finalement, la millionnaire passera des heures à repérer les détails de l'ardoise, des restes d'oursins et des milles et un petits agencements de la nature dignes d'Andrew Goldsworthy.

Le temps s'écoule au fil des marées. Tous les matins Raoûl grignote, tous les soirs, les cormorans et le phoque viennent s'avachir dans notre anse et nous, nous sommes aux premières loges, sur la terrasse, se retenant pour ne pas applaudir... Mais Ginger ne peut s'empêcher de lâcher un cri du coeur à chaque apparition.

La faune matinale comprend également le touriste, qui arrive en horde à la marée haute du matin pour repartir avant la marée basse. On sait peu de chose sur ce migrateur. À Gilligan, qui cherche à savoir ce qui les attirent sur l'île, un touriste répond :"bof, des arbres... pis des roches".

Géographie et toponymie de l'île aux Basques

Au hasard de nos pérégrinations, on est parvenu à déchiffrer la géographie et la toponymie de l'île :

 

Le départ

Quatrième jour. Départ du professeur et de Ginger à bord du Jean-Philippe. Le coeur voyageur, ils répondent à l'appel du large et poursuivent leur périple vers la Gaspésie. Mais ça, c'est une autre histoire....

Les trois derniers naufragés passent alors en mode contemplatif, comme pour étirer le temps. Peine perdue, tout s'accélère.

Gilligan et la millionnaire vont jouer au Radeau de la Méduse au nord de l'île. Marianne se fond dans la nature. Dernier souper. Pour la première fois, le phoque ne se présente pas. Nuit sans étoile et lendemain sans nuage. Tourbillon de ménage, dernière plonge dans l'eau glacée du fleuve, puis c'est le retour en compagnie du Capitaine.

Sur la terre ferme, l'immuable fait aussitôt place au mouvement. Nos héros reprennent donc la route mais, ultime défiance, ils décident de retourner par la 132, qui longe nonchalamment le fleuve jusqu'à Québec. Ils s'arrêtent à Kamouraska pour le bon pain et le poisson fumé et à St-Roch-des-Aulnaies pour le café du bon dieu, avant d'enfourcher la 20 jusqu'à Montréal, ville d'insulaires qui s'ignorent mais qui rêvent de se perdre en mer... Ce vague à l'âme, puisse l'écume de nos cinq jours sur l'île l'apaiser en vous, amis lecteurs!